La fin du rock

Photographie de la couverture : Stanley Green
Conception de la couverture : Anne Martel

Ce n’est pas un livre sur les groupes mais plutôt sur leur mort, sur celle du rock, de ses agonies comme de ses renaissances, de ses impostures comme de ses vérités. Il y est question de rues, d’envoûtements, de divorces et de retrouvailles.
On y croise des fantômes, à moins que ce ne soit des fantasmes. Des anonymes aussi, de ceux et celles qui ont les oreilles abîmées et les pieds brûlés pour avoir trop dansé, et souvent trop cherché.

La fin du rock était autant la fin des idoles que le produit de notre émancipation. De ces figures faites par une société de l’image, surinvesties par la frustration de nos vies ordinaires à qui elles avaient donné le désir de l’extraordinaire. De ces figures bien pathétiques qui n’étaient pas ce qu’elles semblaient être, ou ce que nous voulions qu’elles soient.

Extraits

Notre peau était douce, glabre et laiteuse. Elle avait à peine vingt ans et était ce qu’un corps peu demander de mieux à la vie. Après, tout ne serait que chutes. Nous devions trouver notre recoin, notre sirène, notre seringue, notre chemin entre de grandes affiches qui ne nous étaient pas destinées.
La fraîcheur cèderait bientôt le pas à une liturgie d’où la singularité et l’improvisation seraient chassées, faisant de l’innocence une cavale avec d’implacables démons pour seuls acolytes. Le rock avait braillé. Puisqu’il n’avait pu être la bande son d’une utopie réalisée, il ne nous restait plus qu’à fleurir les marges, à les chanter, à nous confronter à l’abîme d’exister. Et accessoirement, apprendre à vieillir.

Les personnages passent, ils sont à chaque fois une immolation symbolique. Faire parler les tripes, ouvrir les veines, sont à chaque fois des conditions figurant l’écoulement d’un fluide. Le rock est une affaire d’épanchement. Et ce sont ce que ces coulures transportent, et rien d’autre, qui nous intéresseront toujours. Tout ce qu’elles visent, tout ce qu’elles disent, défie ce moment essentiel des cultures où elles délivrent les individus qui les font de tout ce qui leur pèse et leur échappe.