Édition originale : Manual del perfecto canalla, 1916, puis réédition par Trama Editorial, Madrid, en 2005
Manuel de la parfaite crapule
Traduction de l’espagnol : Pierre-Jean Bourgeat
Illustration de la couverture : José Gutiérrez Solana
Quiconque lit cet ouvrage sera instruit par la sagesse de l'aigrefin.
La crapule, selon le Dictionnaire de l'Académie royale espagnole, est un personnage méprisable, calculateur et opportuniste, au comportement répréhensible. Dans une sorte d’exégèse, Rafael de Santa Ana révèle avec force détails comment un être humain doit se comporter pour prétendre au statut de parfaite crapule.
Ce Manuel inclut un prologue du prix Nobel de littérature de 1922, Jacinto Benavente, grand dramaturge de la décomposition de la bourgeoisie. Celui-ci précise dans ses lignes : « Il s’en trouvera qui jugeront que tout est ironie, qu’il y a là un miroir de vices destiné à mieux contraster avec les vertus. Il s’en trouvera qui le prendront au pied de la lettre et tenteront de reproduire dans leur vie le type idéal de cette parfaite crapule. Et nombreux seront ceux qui, dans leur folle vanité, croiront avoir dépassé le problème. Malheureux ! Certains s’imaginent qu’il suffit de trahir l’amitié et de mépriser les services rendus pour être une crapule. Funeste erreur ! La première qualité de la crapule est que personne ne l’identifie comme telle. Un arnaqueur reconnu ne peut plus l’être car il ne représente plus aucun danger. »
À travers une série préliminaire de chapitres tels que « La Mecque de la crapulerie » (Madrid), « Physiologie de la crapule » ou encore « Travaux pratiques de l’année préparatoire », Rafael de Santa Ana nous guide jusqu'à nous introduire pleinement dans le « Cours Complet » ayant pour objectif d’obtenir le titre de « Parfaite crapule ». « (…) nous avons décidé de rédiger ce Manuel.
En suivant pas à pas un jeune homme, entièrement dépourvu de sens de l’honneur, de dignité, de sentiment patriotique, d’amour du semblable mais qui ne craint pas de s’arracher la peau du ventre en imitant la reptation du reptile et qui triomphera de la plupart des difficultés de la vie crapuleuse. »
Tout en ironie pince-sans-rire et en second degré burlesque, Rafael de Santa Ana prend sa place parmi les scrutateurs impitoyables de la nature humaine, quelque part entre l’humour noir d’Ambrose Bierce et le cynisme nihiliste des premiers Dada comme Walter Serner.